Si quelqu'un se propose comme problème d'examiner toutes les vérités pour la connaissance desquelles la raison humaine suffit (examen que doivent faire, ce me semble, au moins une fois dans la vie, tous ceux qui s'efforcent sérieusement de parvenir à la sagesse), il trouvera certainement, par les règles qui ont été données, que rien ne peut être connu avant l'entendement, puisque la connaissance de toutes les autres choses en dépend, et non l'inverse; puis, après avoir examiné tout ce qui vient immédiatement après la connaissance de l'entendement pur, il énumérera, entre autres choses, tous les autres moyens de connaissance que nous possédons, outre l'entendement, et qui ne sont que deux, à savoir l'imagination et les sens. Il mettra donc tous ses soins à distinguer et à examiner ces trois modes de connaissance, et voyant qu'à proprement parler la vérité ou l'erreur ne peuvent être que dans l'entendement, mais que souvent elles n'ont leur source que dans les deux autres modes de connaissance, il fera soigneusement attention à tout ce qui peut le tromper, afin de s'en garder ; et il énumérera exactement toutes les voies qui s'offrent aux hommes pour atteindre la vérité, afin de suivre la bonne : elles ne sont pas, en effet, si nombreuses qu'il ne les découvre toutes aisément par un énumération suffisante. […]Cette méthode ressemble à ces arts mécaniques, qui n'ont besoin d'aucun secours étranger, et qui enseignent eux-mêmes comment il faut fabriquer les instruments qu'ils exigent. Si quelqu'un voulait en effet exercer l'un d'eux, l'art du forgeron par exemple, et qu'il fût privé de tout instrument, il serait forcé d'abord de se servir comme enclume d'une pierre dure ou de quelque masse informe de fer, de prendre comme marteau un caillou, de disposer des morceaux de bois en forme de tenailles, et de réunir selon le besoin d'autres matériaux de cette sorte ; ensuite, cela préparé, il n'irait pas se mettre aussitôt à forger pour l'usage d'autrui des épées ou des casques ni aucun objet en fer, mais avant tout il fabriquerait des marteaux, une enclume, des tenailles, et tous les autres outils qui lui sont utiles. Cet exemple nous apprend que si nous n'avons pu trouver tout d'abord que des principes confus, et qui paraissent innés en notre esprit plutôt qu'élaborés avec méthode, il ne faut pas s'en servir pour essayer de terminer aussitôt les disputes des philosophes ou de résoudre les problèmes des mathématiciens ; mais il faut plutôt s'en servir pour chercher avec le plus grand soin tout ce qui est plus nécessaire à l'examen de la vérité […]
Descartes, Règle VIII, Règles pour la direction de l'esprit
Descartes’s methodic learning

In Rule VIII of Règles pour la Direction de l'Esprit, Descartes writes: